Dessins

« Seuls les démons marchent droit »

Le confinement du printemps 2020 m’a incitée à approfondir ce genre et à lancer un double défi sur les réseaux sociaux : poster chaque jour un nouveau dessin, au feutre, qui plus est réalisé à la main gauche, moi qui suis droitière. Les internautes m’ont tant encouragée qu’il en est sorti un livre, « L’artiste confinée, 55 croquis pour s’évader » (éditions BOD), en août 2020.

Du journalisme au… dessin, il y a (tout de même!) quelques pas. Abandonnant mon premier métier, je me suis laissée porter par les hasards de la vie qui m’ont alors menée à la peinture et au dessin. L’art m’a permis de réinvestir un monde vivant, coloré, joyeux.

Cette approche de l’existence où l’on apprend à « résonner » plutôt qu’à « raisonner », je l’ai ressentie petit à petit, à force d’observation et d’écoute.

C’est ainsi que j’ai développé l’art du croquis, ce dessin dit « vite fait », captateur d’un instant, telle une photographie.

Dès lors, tout en continuant de peindre, j’ai persévéré dans cette technique où le premier trait doit être le bon et tant pis s’il ne me convient pas ! Ainsi va ma main gauche… je m’efface devant elle. Le trait est donc incertain, malhabile.

Je me suis demandée pourquoi ces lignes ondulées me plaisent tant, me fascinent même.

Peut-être la nostalgie de mes dessins d’enfant? C’est en relisant quelques ouvrages sur l’Orient que j’ai découvert l’importance du détour et de l’esquive (esquisse?). Tout ce qui est droit met les Chinois mal à l’aise, leur donne le sentiment du faux. Pour eux, « aller droit au but », c’est aller droit dans le mur. Ainsi, mes croquis traduiraient-ils un enseignement que j’ai mis 60 ans à comprendre : arrondir les angles ? Pour m’en souvenir, je reviens souvent à cette devise orientale : « Seuls les démons marchent droit, le sage, lui, marche en zigzaguant ».

J’aime la nature et y trouve une source d’inspiration exceptionnelle.

Dessiner les arbres m’enchante particulièrement. Je passe de longs moments à observer la courbe d’une branche, la ligne d’un tronc, la silhouette d’une feuille, avant de « croquer ». Rien de plus sublime que d’entrer dans l’intériorité de la matière pour en faire sentir l’ineffable.

Les transformations silencieuses peuvent tant nous apprendre ! Encore faut-il arrêter de se cogner la tête (j’ai moi-même beaucoup de bosses !) et prendre le temps de contempler, de « zigzaguer » à loisir.

Veronik’s secrets

Puis d’autres confinements ont à nouveau interrompu le cours « normal » de nos vies, m’incitant une nouvelle fois à explorer l’art du croquis.

Pourquoi ne pas proposer cette fois-ci, toujours sur les réseaux sociaux, une série dévoilant les étapes d’élaboration d’un dessin ? Le titre générique allait être « Veronik’s secrets » et la série s’intitulerait: « De la page blanche au croquis final ». En 5 à 6 étapes, j’ai ainsi montré d’où je pars et où j’arrive, avec une énigme à trouver. Aux internautes de découvrir le lieu et son personnage célèbre qui y est attaché.

Là encore, les internautes se sont pris au jeu, certains devenant des champions ! En deux étapes, ils trouvaient les réponses. Cette série amusante m’a permis d’entretenir le contact avec mes « fans ».

Cette série s’est étalée sur une quinzaine de semaines, entre fin janvier et juin 2021. J’ai ainsi proposé, entre autres, la chambre d’enfant de Marcel Proust, à Illiers-Combray, le château des Milandes de Joséphine Baker, le salon de Sarah Bernhardt, à Andernos-les-Bains, celui de Dalida dans sa maison à Montmartre, ou encore le Palais idéal du facteur Cheval…