Vêtements intelligents : des espions dans nos armoires ?

Vêtements intelligents : des espions dans nos armoires ?

Les vêtements intelligents se font tout doucement une place dans nos garde-robes. Si certaines utilisations sont saluées pour leur utilité, notamment pour les personnes malades, d’autres peuvent légitimement nous inquiéter… Nos armoires vont-elles devenir un nid d’espions ?

Parmi les bonnes idées, saluons celle d’un groupe de chercheurs québécois avec son tee-shirt prenant la fréquence respiratoire de celui ou celle qui le porte. La France, considérée ces dernières années comme le fer de lance des vêtements intelligents, s’est donc fait coiffer sur le poteau en mai dernier par le Québec ! Ces chercheurs de l’université Laval enrichissent ainsi la gamme  débutante des vêtements intelligents utiles au diagnostic de certaines maladies. Ils ont choisi les pathologies affectant le système respiratoire (asthme, maladie pulmonaire, apnée du sommeil…). Outre le diagnostic, le tee-shirt intelligent peut être utilisé pour de la surveillance. L’équipe québécoise a fait fort : nul besoin de fixer de fils, ni d’électrodes ni même de capteurs sur le corps pour que cela fonctionne. C’est en fait une antenne, fixée sur le tee-shirt au niveau de la poitrine, qui envoie les données en temps réel. Celles-ci sont transmises au téléphone intelligent de l’utilisateur ou à un ordinateur. L’antenne est réalisée dans une fibre optique creuse dont la paroi intérieure est recouverte d’une mince couche d’argent. Quelle que soit la position de l’utilisateur (couché, debout ou en train de marcher), l’antenne émet en continu. Et, cerise sur le gâteau (ou canneberge sur le pancake), le système n’est pas altéré par les lessives. Quid du prix ? On ne sait pas encore mais l’entrée de ce tee-shirt sur le marché sera sans nul doute le bienvenu.

Plus « habituels » car vendus depuis quelques temps sur le net, chaussettes, leggings, caracos etc. promettent de faire maigrir, bronzer, adoucir, rafraîchir…  La technique utilisée n’est pas la même que celle du vêtement québécois décrit ci-dessus. La fibre intègre des actifs chimiques (ou naturels) dans de micro-capsules. L’actif est diffusé en continu grâce aux micro-massages que génèrent les mouvements naturels du corps. Dans cette gamme, on trouve des chaussettes qui offrent une protection permanente contre les piqûres de tiques ou de moustiques (le Français Labonal est pionnier). L’actif chimique a été recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé dans le cadre de la lutte contre les maladies vectorielles. Dernièrement, l’entreprise Tricotage des Vosges a présenté au ministère de la Défense son e-chaussette, mais avec une puce intégrée au tricotage.

Et là nous entrons dans l’univers (inquiétant ?) des textiles tagués… Petit retour en arrière. Dans les années 2010, un projet européen appelé Plate-forme pour les applications Advanced Smart Textile, est lancé. Le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) aide à la mise au point d’un fil composé d’une puce RIFD (radio identification  frequency) de très haute fréquence. On parle alors d’étiquette RIFD. Dominique Vicard, le développeur principal du fil au CEA, cofonde la start-up grenobloise Primo1D en août 2013 pour commercialiser le produit. La marque « E-Thread » est déposée. L’étiquette à haute fréquence radio est invisible dans le textile. De nombreux avantages sont mis en avant: faussaires ou voleurs ne peuvent la retirer ou la désactiver, sa traçabilité est utile dans la blanchisserie industrielle, la location de linge ou encore la distribution textile. Certes. Mais, mais, mais… Ces textiles discrètement tagués ne risquent-ils pas d’être un œil de plus qui nous surveille ? Serions nous assez bêtes pour nous laisser avoir par les vêtements intelligents ?

Véronique Cohu

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