La presse papier respire encore

La presse papier respire encore

Certains prédisaient la fin du support papier pour les années 2020, quand Internet aurait réussi à capter tous les contenus et toutes les attentions… Donc dans deux ans donc il ne devrait plus y avoir ni journaux ni livres à feuilleter. Mais, comme on a pu le constater aux Etats-Unis – en avance sur l’Europe d’une bonne dizaine d’années – la presse papier est loin d’avoir tiré sa révérence! Certes, le constat est rude pour les versions « print » qui ont perdu énormément en diffusion classique depuis la fin des années 90. Mais le papier est loin d’être mort…

Eh oui, on note ces derniers temps quelques reprises par ci par là. La presse quotidienne nationale s’en tire mieux au milieu de ce marasme journalistique. Les résultats publiés régulièrement par l’ACPM, l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias, sont intéressants. Née en décembre 2015 de la fusion entre l’OJD et la SAS AudiPresse, l’ACPM fournit en accès libre une foule de renseignements sur l’état de santé des médias français. Cette instance a pour mission de mesurer l’audience de la presse et la certification du dénombrement des médias.

Donc, stétoscope en mains, je suis allée voir comment se portent nos titres bien aimés (et tout aussi détestés!), qu’ils soient de diffusion nationale ou régionale. D’ailleurs, pour comparer, je n’ai retenu que le chiffre le plus parlant, celui de « la diffusion payée » telle que reproduite par l’ACPM.

Alors, bonne nouvelle : le bulletin de santé est plutôt bon en ce qui concerne les grands titres nationaux comme Le Figaro, Le Monde, Libération, Les Echos, L’Equipe. Ceux-ci continuent de prouver qu’ils subissent moins durement la crise de la presse. Par contre, l’excellent La Croix, comme beaucoup d’autres, n’arrive pas à enrayer la chute. Comme les magazines qui continuent de s’affaiblir, la presse quotidienne régionale (PQR) a du mal à retrouver un pouls correct. C’est dramatique quand on sait que depuis plus de vingt ans, les titres de la PQR ne cessent de perdre du lectorat : en moyenne 2% par an… Le seul qui arbore un joli teint est Paris Normandie ( + 12 %  depuis deux ans). Il est vrai que ce dernier a frôlé la mort plusieurs fois depuis 2012.

Pourquoi de telles différences ? Les meilleurs médecins se sont penchés sur ces patients atypiques. D’où vient cette langueur ? D’un lectorat vieillissant ? De l’arrivée d’Internet ? D’une baisse de qualité ? Etc. Etc. Nul n’a trouvé la réponse et du coup aucun éditeur ne possède la potion magique pour garantir une bonne santé à son canard. Même ceux qui avaient parié sur la gratuité, comme Vingt Minutes ou CNews, sont souffreteux.

Patrick Bartement, directeur général de l’OJD, déclarait en 2012 dans Le Figaro qu’il fallait relativiser la crise du secteur. S’il constatait que la diffusion avait bien reculé de 10 % en cinq ans (500 millions d’exemplaires en moins), il attribuait cette chute à la baisse des ventes au numéro. Constatant que les ventes par abonnement étaient restées stables – notamment grâce au portage – il estimait que le média qui a un bon réseau de distribution s’en sort. «Quand la presse est accessible, la presse se vend», avait-il résumé.

Hélas, voilà une sentence qui ne se vérifie pas du tout. Les quotidiens régionaux, très proches de leur lectorat et bien distribués, se sont enfoncés dans la crise. Il suffit de prendre l’exemple des Dernières Nouvelles d’Alsace qui, bien qu’affichant des ventes par portage à un taux record (86 %) – les autres titres étant souvent autour de 45% –  ne cessent de s’enrhumer depuis vingt ans (-2,84% en 2017). Le quotidien Centre Presse Poitiers crache ses poumons avec un -8 %. Les deux ont en commun une toute petite part de diffusion payée en numérique (environ 1 % alors que les autres sont entre 3 et 9 %).

Le salut viendrait-il des éditions électroniques ? Là encore difficile à dire : ceux qui étaient en avance, comme les DNA en 1996 (premier quotidien français en ligne), ne sont pas ceux que l’on retrouve aujourd’hui en tête du classement des versions numériques. Car the winner is… Orange.fr !  Qui aurait cru que ce soit un fournisseur d’accès qui, en 2018, dame le pion aux journaux dans le classement des sites d’informations. Y a comme un intrus, non ? La bonne vieille presse n’a pas su réagir à l’époque où Orange demandait un abonnement à l’Agence France Presse, abonnement jusque là réservé aux professionnels de l’info… C’est ainsi que s’écrit l’histoire. Mais n’en faisons pas toute une histoire du moment que le couple écrit/papier vive encore de longues années. A vous amis lecteurs de lui laisser sa chance en… l’achetant.

Véronique Cohu

#presse #médias

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