22 Nov La philosophie : une vieille dame très geek !
Et si la philosophie, née il y a quelque 2500 ans, était la plus geek des geeks ? Elle a traversé les siècles et nage comme un poisson dans l’océan des technologies de l’information et des réseaux sociaux ! Eugénie Végléris, philosophe qui exerce en libéral depuis une vingtaine d’années, estime que face à une réalité de plus en plus complexe, la philo est une nécessité pour se préparer à demain.
– Vous avez ouvert, après 19 ans dans l’enseignement, un cabinet de philosophie à Strasbourg, en 1993, ce qui a fait de vous une pionnière dans ce domaine. Vous travaillez aujourd’hui à Paris. Quel regard portez-vous sur ces 24 ans d’exercice de la philosophie en libéral ?
Eugénie Végléris : Aujourd’hui, je sais que l’approche philosophique est la mieux apte à nous préparer aux surprises que l’avenir nous réserve en ce changement d’ère que l’humanité est en train de vivre. J’étais convaincue de l’utilité sociale de la réflexion philosophique c’est pourquoi j’ai choisi d’aller vers les professionnels, notamment ceux qui travaillent dans les entreprises. J’ai été confrontée aux joies et aux peines du travail que le prof que j’étais ignorait, ou presque. Durant tout ce temps, je n’ai cessé d’apprendre grâce à mes interlocuteurs clients. Chacun d’entre eux a fait un usage différent de ma manière d’être philosophe sur un fond commun : sortir des non-dits, éviter les réunions vaines, mettre les mots justes sur les choses, relier les situations au monde environnant et à l’humaine condition, penser pour agir au lieu de faire semblant. Discerner, intuitionner, imaginer. Cependant, je constate un « raidissement » des grandes organisations. Comme si elles abordaient le monde nouveau, dont elles ne cessent de parler, avec les outils du monde ancien, en rationalisant à outrance. A l’incertitude grandissante d’une réalité sans cesse plus complexe, elles réagissent par une procédurisation galopante. Du coup, le risque est que le « philosophe » soit invité comme conférencier et non comme partenaire de réflexion libre.
-En 1993, vous prôniez la philosophie « agissante » et vous pariiez sur l’acte de philosopher, ce qui paraît paradoxal. En 2017, vous tenez le même pari ?
E.V. : Oui. Pour moi philosopher est un acte à part entière : confronter les idées (pour avancer en conscience des divergences et en y puisant richesses); comprendre (ce que l’on vise, ce que l’on souhaite, ce qui est en jeu… en contextualisant et en osant des hypothèses bizarres); définir ce que l’on a à entreprendre (décrire, se mettre OK sur les grands axes…); s’engager (s’embarquer en apprenant à ajuster les décisions à l’évolution inévitable des affaires humaines); tirer leçon autant des erreurs que des réussites (faire des pauses pour prendre la mesure du fait). Le coeur de l’oeuvre de Platon, père de la philosophie occidentale, était son combat contre l’injustice (réaction à la condamnation injuste de Socrate). Durant sa vie, il a cherché à éduquer le roi de Sicile, Denis de Syracuse, hélas sans succès. Mais, comme dit Francis Bacon, le défenseur pionnier de la science expérimentale combattue par l’Église au début du XVIIe siècle, « ce n’est pas la même chose, ne pas oser et ne pas réussir ». Oser entreprendre, c’est préparer demain.
-Notre environnement économique et social a bien changé depuis Platon ! Les nouvelles technologies de l’information et les réseaux sociaux sont-ils les ennemis ou les amis de la philo ?
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